Il y a 12 ans de cela, je touchais ma première note de piano.
J’ai le souvenir d’avoir eu envie de continuer à jouer de cet instrument toute ma vie, tant j’aimais le doux son de cette mélodie. J’ai ainsi commencé à suivre des cours de piano avec un professeur à domicile. J’avais rendez-vous tous les mardis soir les premières années, puis les samedis matin ensuite pour jouer principalement du jazz. Le genre musical qui m’habite encore aujourd’hui. Ce professeur m’a ainsi fait découvrir le monde de la musique.
J’ai continué les cours de piano durant 10 ans, avec au total 3 professeurs différents. La première, Geneviève, m’a initié aux bases. Le deuxième, Michel Van Der Esch, spécialiste du jazz, m’a obligé à écouter les plus grands de ce domaine, ce qui a conduit à un grand élargissement de ma culture musicale. Le dernier, Laurent Katz, était un grand artiste interprète. Avec l’aide de tous ces musiciens, je me voyais aller loin dans la musique. Je m’imaginais jouer devant des dizaines, voire des centaines de personnes. Alternant les bars, les restaurants ou même les salles de concert, je m’imaginais grand pianiste. Mais c’était ni plus ni moins un rêve de grand enfant.
Effectivement, n’excellent pas en la matière, je me voilais la face. Je me questionnais souvent sur mes défauts d’apprentissage, sur la manière de m’améliorer. C’est en partie la raison pour laquelle j’ai autant changé de professeur. J’ai tenté de nombreuses méthodes différentes, mais ça ne suffisait pas. En réalité, parmi tous ces essais, il me manquait un apprentissage fondamental. Le solfège.
Je n’ai effectivement jamais voulu m’y aventurer, car je n’avais entendu que des retours mauvais. Néanmoins, au bout de quelques années, j’en ai vraiment eu besoin. Je me suis donc inscrit au solfège à l’âge de 16 ans. Ça m’a beaucoup aidé, j’ai pu améliorer ma lecture des partitions, ma capacité d’écoute, et ma compréhension de la musique en général.
Mon inscription au solfège était certes assez tardive, mais très bénéfique. Malheureusement, il était déjà trop tard. J’avais du mal à corréler mon attrait pour le piano, ainsi que le suivi de ma nouvelle formation, avec en parallèle les cours du lycée. La période du BAC fut assez compliquée. À la suite de l’obtention de mon diplôme et à l’entrée des études supérieures, j’ai donc dû faire un choix. Un choix particulièrement difficile qui m’a fait réfléchir pendant quelques mois. J’ai arrêté de prendre des cours de piano. C’est ainsi qu’après 10 années, je me retrouvais sans professeur, sans suivis hebdomadaires habituels, sans partitions ni artistes à découvrir chaque semaine.
Au commencement de ce nouveau train de vie, je me suis bien sûr forcé à être autonome et j’ai appris quelques nouveaux morceaux mais il me manquait un suivi, un support. Je savais que ça n’allait pas durer longtemps.
Aujourd’hui, je ne touche plus à mon clavier. Ça me rend triste et mes proches le sont aussi. Ils avaient l’habitude de m’écouter durant les repas de famille ou bien le soir, à la nuit tombée.
A partir du moment où j’ai ressenti un manque en moi, j’ai eu une idée qui m’a complètement changé, et pas qu’au simple sens figuré. Je me suis inscrit à la salle de sport. J’ai toujours pratiqué des activités physiques, du judo au ping-pong, en passant par le kayak. Il fallait surtout m’occuper pour combler le manque de piano, et aussi la tristesse qui grandissait en moi plus le temps passait. Du fait notamment de ne plus arriver à jouer mes morceaux favoris. Finalement, une passion en a remplacé une autre. Je retrouve dans la musculation et le renforcement corporel en général la même satisfaction que je trouvais en allant au bout d’une valse de Chopin ou d’un ragtime de Joplin.
Je considère ainsi « l’abandon » du piano comme un échec, car il m’aura fallu plusieurs mois pour accepter le fait que la cause de tout cela était ma médiocrité et mon manque de vigueur. Pourtant, j’aime cet instrument et le jazz plus que tout, et j’ai comme désir d’un jour les retrouver. La forme importe peu, je pourrai m’y remettre de façon individuelle, avec un professeur ou même via des études. Ce qui compte, c’est l’envie et le temps que j’y consacrerais, ce qui m’a manqué durant ces dernières années. Je suis sûr d’une chose, c’est que cette passion est loin d’être derrière moi. Elle continue d’exister dans les musiques que j’écoute le matin en allant à l’IUT, ou bien sur le trajet retour de Richardson, l’entreprise dans laquelle je suis ma formation en alternance. Le jazz est certes un genre musical qui vieillit et que les jeunes de mon âges n’écoutent pas forcément, j’en reste un grand admirateur et il continuera à me fasciner pendant de longues années encore.