Née dans une famille qui a « réussi » professionnellement (même s’il est difficile et subjectif de définir la réussite, surtout professionnelle), d’un père ingénieur et d’une mère directrice de recherche au CNRS, j’ai grandi avec une pression considérable de leur part et qui s’est vite transformée en complexe.
En effet, dès le plus jeune âge, on m’a inculqué l’idée qu’il faut intégrer les plus grandes écoles et faire les métiers les plus prestigieux pour réussir. Je réalise donc une scolarité exemplaire au collège et s’en suit mon intégration, au lycée, dans une des meilleures sections bilangues de la région, sur concours.
Dans ce cadre particulièrement intensif, où la densité des cours égale la rigidité des professeurs et de leur notation, je peux remarquer une dégradation progressive de mes notes. Passant de la meilleure élève de mon petit collège à une élève moyenne dans un lycée international, cette décadence a un impact colossal sur ma confiance en moi. Cette perte de confiance est accentuée par ma difficulté à trouver une voie vers laquelle me diriger car je suis intéressée par tous les sujets et toutes les matières proposées. S’en suit le choix de la filière scientifique, par défaut, dans laquelle je ne finis pas pour autant par exceller.
Mes premiers résultats Parcoursup, en juin 2020 où j’avais demandé presqu’exclusivement des écoles d’architecture, furent un échec. Dévastée et démoralisée, je me vois forcée de devoir trouver une nouvelle voie en très peu de temps. Une rencontre amoureuse ayant lieu à ce moment-là m’encourage, durant la phase complémentaire de Parcoursup, à postuler à des licences à Paris afin de suivre cette personne jusque dans la capitale. Je m’inscris alors en Licence de Persan, une filière littéraire, très intéressante mais je me rends très vite compte que je n’ai pas la motivation nécessaire pour persévérer durant la crise sanitaire et les cours à distance. Je fais alors le choix du monde professionnel et je me rabats sur un poste d’équipière à McDonald’s : c’est mon second échec.
En naufrage scolaire, je perds confiance en moi et me replie sur moi-même. Une remise en question constante conduite par l’impression d’avoir entrepris tout un parcours qui m’avait coûté beaucoup pour ne pas en faire usage et finalement occuper un poste éprouvant, manuel et très peu intellectuel. Vient s’ajouter à ça l’incompréhension de mes parents qui ne parvenait pas à concevoir que je puisse abandonner les études et faire preuve d’un tel manque de persévérance.
Malgré la difficulté psychologique de cet évènement, une partie de ma personne ne baisse pas les bras et considère ce choix du monde professionnel comme une occasion de « faire une pause », respirer, dans le but de me poser les bonnes questions nécessaires à mon avenir.
Naît donc un questionnement interne dans le but de tirer de cette situation des choses positives : Et si la réussite ne reposait pas sur le prestige de l’école ou du poste occupé ?
Apparaît alors une notion importante que j’avais jusque-là bafouée : l’idée de faire un métier qui me passionne, peu importe le nombre de zéros sur la fiche de paie, peu importe sa renommée, où je suis heureuse de me lever le matin et épanouie.
Cette année en dehors du cursus scolaire : permis d’envisager le fait que le bonheur et l’épanouissement ne dépendent pas uniquement du métier que l’on exerce mais d’autres facteurs tout aussi importants (famille, amis, lieu de résidence, hobbies, …) : commence alors la « désacralisation » (positive) de l’école pour me recentrer sur moi-même, sur mes envies et arrêter de tout voir à travers le prisme de la notoriété.
Et plus impérativement : l’idée que ce n’est pas grave de ne pas trouver sa voie du premier coup. Cet évènement est alors à l’origine d’une quête vers la trajectoire qui me passionne en gardant à l’esprit que toute expérience ou leçon est bonne à prendre et en acceptant le possibles échecs. Une quête qui s’établit donc sur une durée que je ne peux pas délimiter tant que je n’aurai pas trouvé la direction que je souhaite prendre.
De cette recherche de la voie qui m’est destinée résulte un état d’esprit : « Quitte à être ici, autant le faire à 200% ».
J’exerce mon travail avec beaucoup de sérieux en ayant une très bonne entente avec l’équipe et un très bon relationnel qui me permettent de prouver ma motivation et d’obtenir plusieurs promotions. Je réussis dans des domaines tels que le management opérationnel, le management d’équipe, le marketing opérationnel, … Un regain bienfaisant de confiance en moi qui me pousse à m’investir encore plus. On me propose d’autres promotions : devenir Assistante administrative d’un restaurant, passer des formations de management et marketing mises en place par le siège social, …
Je découvre des voies que je n’avais pas considérées auparavant et qui attisent ma curiosité.
Mais, la rudesse d’un travail très physique dans un environnement stressant et bruyant avec des horaires variables devient très vite un ennui et me fait considérer la reprise d’études. La gestion d’une entreprise telle qu’un restaurant avait été pour moi une expérience si passionnante que le déroulement de la suite ne fit aucun doute : la voie de la gestion et de l’administratif.
L’effet que cette expérience a eu sur ma personne a été extrêmement bénéfique. Il se traduit tout d’abord par un gain considérable d’autonomie : j’ai pu, durant l’exercice de ce travail, devenir autonome financièrement et, en quelque sorte, m’éloigner de ma famille. Inconsciemment, cette responsabilité financière m’a également permis d’acquérir une autonomie de pensée, j’ai pu ainsi commencer à réfléchir par moi-même à ce que je désirais faire sans que cette réflexion soit biaisée par la peur de décevoir mes parents. J’ai soudainement eu l’impression d’être entièrement maître de mes choix. Cette expérience professionnelle m’a, de plus, appris de nombreux savoirs-être et codes du monde du travail, du monde de l’entreprise, qui, à l’heure d’aujourd’hui, me sont précieux.
Ainsi, ce parcours en zig-zag qui oscille entre plusieurs domaines plus différents les uns que les autres constitue maintenant la vision que j’ai de l’avenir, par laquelle je sais désormais envisager les possibles erreurs et en tirer le meilleur. L’acceptation de l’échec est, pour moi, à l’origine d’une quête vers ce qui nous anime le plus, tout en considérant la possibilité d’ouvrir des portes que nous n’aurions pas pensé ouvrir.