La société dans laquelle nous évoluons accorde une place prédominante à la réussite au travers de la performance. Ce constat est visible aussi bien d’un point de vue professionnel, notamment au sein des entreprises, que d’un point de vue sportif ou encore de son accomplissement personnel. Chaque jour les médias se font l’écho de telle société ou de tel sportif qui réalisent des bénéfices ou des exploits prodigieux. Mais combien d’élus pour combien de laisser pour compte ?
Dans certains pays comme la Chine ou la Russie, la performance s’impose comme une culture de vie. Dès leur plus jeune âge, les enfants sont conditionnés pour atteindre des performances élevées, que ce soit d’un point de vue scolaire ou extrascolaire. On peut citer l’exemple de jeunes prodiges en musique ou en gymnastique. L’âge des champions est toujours de plus en plus bas.
LE POIDS DE LA PERFORMANCE AU QUOTIDIEN
Cette quête de la performance à tout prix déshumanise l’individu. En sacrifiant son enfance, c’est tout un apprentissage naturel, émotif et affectif qui se développe par le jeu et les relations humaines et qui participe à la formation de l’individu. Placés dans des instituts souvent loin de leur famille, les enfants passent des heures devant leurs instruments à répéter ou jouer jusqu’à la perfection. Ce modèle produit plus particulièrement chez les sportifs des performances ponctuelles. Le champion est capable de grandes performances sur le court terme, mais très peu sur la durée. On les perçoit comme des sortes d’autistes, enfermés dans leur bulle. Et que deviennent-ils après lorsqu’ils ne sont plus performants ? Ayant tout sacrifié depuis leur enfance pour le prestige d’une nation, que leur reste-t-il après ? Coupés de leur famille, sans amis, sans autre modèle que ce qui leur a été donné, comment vont-ils se faire une nouvelle place dans la société ?
Dans une autre mesure, au sein de nos sociétés industrialisées, nous sommes tous conditionnés à la réussite. J’ai pu le remarquer dès mon entrée à l’école primaire où le système de notation nous pousse à nous démarquer, à viser les premières places. Les meilleurs d’entre nous intègreront les meilleures écoles ou facultés. C’est ainsi que de nombreux métiers se trouvent dévalorisés car les élèves ne répondant pas aux critères de la performance sont orientés vers des activités plus manuelles qu’intellectuelles.
LA PERFORMANCE A QUEL PRIX ? A TOUT PRIX ?
Mais le culte de la performance se retrouve également dans nos activités périscolaires. Personnellement, j’ai pu le constater lors de la pratique de la natation. Ce qui est censé être une activité de loisir, pour trouver un équilibre avec les études et se sentir bien dans son corps, s’est transformé en un véritable cauchemar. J’ai commencé à nager très tôt au sein des bébés nageurs. Cette activité très ludique m’a plu énormément et j’ai décidé naturellement de la poursuivre au sein d’un club.
Très rapidement j’ai été orientée vers un pôle compétition, puis vers une section sport étude. Au lieu de me permettre de me détendre, d’apprendre à gérer et évacuer mon stress, cette pratique sportive que j’adorais s’est transformée en une source d’angoisse, angoisse qui s’ajoutait à celle de ma réussite scolaire. La fréquence des entraînements est devenue traumatique pour mon corps. Je multipliais les tendinites et autres problèmes. musculaires. La nécessité de délivrer des performances en compétition pour mon club ou vis-à-vis de mes proches était une source d’angoisse qui me paralysais littéralement, me faisant perdre tous mes moyens. En revanche, une fois dans le bassin, je me sentais bien, dans mon élément. J’ai finalement dû stopper complètement la pratique de ce sport que j’aime pourtant, afin de retrouver un équilibre, mon équilibre.
Cet exemple que je décris je ne suis certainement pas la seule à l’avoir vécue. Il est grandement amplifié au sein des clubs par le manque d’accompagnement psychologiques des encadrants, en particulier des entraîneurs à qui l’on demande de ramener des résultats à tout prix pour la notoriété des clubs. Alors que l’objectif devrait être de s’accomplir pleinement en tant qu’individu, d’atteindre un équilibre de vie. La recherche de la performance à tout prix peut devenir traumatique. Plutôt que d’aider l’individu à mieux se connaître, notamment ses limites, elle peut entraîner la perte de l’estime de soi, une sorte de dévalorisation et une perte de confiance. On cherche toujours la reconnaissance dans le regard des autres, et si cette reconnaissance est liée à la performance on peut rapidement se sentir en disgrâce.
LE TRIUMVIRAT A LA PLACE DU TOUT PRO ?
L’exemple du milieu professionnel reflète également cette recherche de la performance. On essaie à tout prix de sortir les personnes de leur zone de confort sans souvent leur permettre d’y revenir. Les individus identifiés comme talents seront récompensés alors que les autres ne connaîtrons qu’une évolution de carrière lente, sans être remerciés du travail indispensable et de qualité qu’elles délivrent. On peut citer à ce sujet le cas de personnels très compétents techniquement à qui l’on donne des responsabilités de managers comme seule évolution de carrière possible. Souvent très compétents et performants dans leur domaine, ils se retrouvent à gérer de l’humain sans que l’aspect empathique et relationnel soit une composante de leur personnalité. Les conséquences peuvent alors être catastrophiques au sein de leurs équipes. Le dialogue devient très directif lorsqu’il n’est pas carrément inexistant. Une sensation de mal être peut se développer, les individus peuvent se sentir négligés, dévalorisés ce qui entraîne un mauvais travail en équipe, une baisse de productivité et de performance qui sera répercutée au sein de l’entreprise. Plus gravement, on observera un taux d’absentéisme en augmentation ainsi que des pathologies comme des déprimes, et plus gravement des dépressions ou des burn out.
Notre modèle social incite à la performance qui est vu comme étant un gage de réussite. Mais la vraie réussite pour un individu ne réside-t-elle pas dans son accomplissement personnel, à trouver ce fragile équilibre entre sa réussite professionnelle, celle de sa vie familiale tout en s’appuyant sur ses loisirs ? Tout l’enjeu réside dans ces trois composantes qui doivent être équitablement réparties pour atteindre sa propre réussite et non pas celle que l’on attend de nous.
Mathilde