novembre 25, 2021

LISSIA > Se développer personnellement en tant que femme dans une société patriarcale : le parcours du combattant ?

Insécurité, inégalités, et décrédibilisation de la parole : mon quotidien est celui de milliards de femmes dans le monde, mais comment me développer en tant que jeune adulte, dans une société dictée par des normes patriarcales ?

Etre une femme dans une société ou le patriarcat est roi, c’est être un fardeau, dès la naissance

J’ai un exemple assez frappant d’une situation à laquelle j’ai pu assister. Ma cousine, jeune mariée et enceinte d’assez de mois pour connaître le sexe de son bébé, avait décidé de nous partager le sexe de son enfant en présence de sa famille proche lors d’une baby shower. Ni elle ni son mari ne connaissaient le sexe. L’heure était venue d’éclater le ballon dans lequel se trouvait la couleur stéréotypée du sexe : bleu pour un garçon et rose pour une fille. Son mari éclata le ballon, et des paillettes bleues s’en échappèrent. Il était l’homme le plus heureux du monde, jusqu’ici tout allait bien jusqu’au moment où je l’entendais se dire « soulagé » de ne pas avoir de fille, qu’il allait avoir « un problème en moins » dans sa vie. En Inde, le phénomène d’avortement séléctif se répand de façon exponentielle. Donner naissance à une fille est dès lors, considéré comme une malédiction, cette arrivée étant considérée comme un radeau financier. Mais c’est également une question de dignité : donner naissance à un garçon est vu comme un soulagement pour les femmes qui échappent ainsi à la menace d’être jetées par leur famille, voire être tuées.

Cependant, la peur d’etre tuée et violée pour une femme ne s’arrête pas aux frontieres indiennes

En France, c’est la vie quotidienne de millions de femmes, dont moi. Que ce soit dans les transports, dans la rue ou dans un bar, tout est calculé. Le choix de ma tenue, mon trajet, les endroits que je dois éviter une fois la nuit tombée, j’en viens même à mettre en place des stratégies de défenses en cas de danger. Comme ce matin d’octobre 2021. Je rentrais d’une soirée avec mes amies. Il était 6h du matin, dans le 15ème arrondissement de Paris, à deux pas de chez moi. Il faisait encore nuit quand j’ai vu une voiture s’arrêter à côté de moi. J’ai instinctivement ralenti le pas pour voir ce qu’il allait faire. Je m’imaginais les pires scénarios susceptibles d’arriver afin de pouvoir agir en conséquence, même si je sais que rien ne m’épargnera, si ce n’est qu’il ne soit pas un agresseur. Je m’arrête. Il s’arrête aussi. J’étais morte de peur, mais j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai décidé de prendre mes clés et de courir pour rentrer dans ma résidence. C’est ce que j’ai fait. Dès l’instant où j’ai réussi à me mettre en sécurité derrière le portail, je me suis retournée vers lui et j’ai pu lire sur son visage comme une déception, une sorte de frustration de ne pas avoir eu ce qu’il voulait de moi ce matin-là. Et c’est ce visage qui m’avait le plus marquée.

La décrédibilisation de la parole féminine sur des sujets qui ne les concernent pas selon les hommes : ces figures qui ont ouvert la voie à l’émancipation féminine

Politique, sport, ces domaines surreprésentés par les hommes, qui ne laissent que très peu de place pour la parole des femmes. En 2018, j’ai eu la chance d’assister à une conférence d’une rescapée de la Shoah et qui nous faisait part de son vécu à Auschwitz. Ce qui m’avait le plus touchée, c’était probablement l’émotion qui était, 75 ans après les faits, toujours aussi vive lorsqu’elle évoquait son passé. La seule fois où elle s’est mise à pleurer c’est lorsqu’elle a évoqué notre chance de pouvoir vivre dans un monde sans les camps. Le seul moment. La férocité des SS, les conditions de vie inhumaines, les traumatismes, les maladies et la mort de ses proches : tous ces faits n’avaient pas provoqué une telle émotion que lorsqu’elle nous a fait promettre de ne jamais laisser ce genre d’horreur se reproduire. J’étais bouleversée. A la suite de cette rencontre, quelque chose avait prondéement chngé en moi et je savsiq que des lors, je ne verrai plus les choses du même oeil, en tant que femme et citoyenne. Si cette femme avait réussi à surmonter tout cette douleur et ces traumatismes, alors nous avons toutes la capacité de le faire, et de faire bouger les choses. Simone Veil, l’a fait. En effet, cette figure emblématique est de celles qui ont réussi à se faire entendre dans un milieu à dominance masculine. Son courage retient toute mon admiration, puisqu’après maintes et maintes humiliations subies devant toute une assemblée à majorité masculine, s’être fait insultée de folle et tous ces autres adjectifs qualifiant une femme qui ose défendre la cause féminine, elle a mené à bien le projet de toute une vie, après avoir survécu à l’horreur des camps. Elle a porté à elle seule sur ses épaules, la lutte pour la liberté des femmes de disposer de leur corps grâce à son combat pour le droit à l’avortement. Je suis d’autant plus admirative de son parcours en sachant par quoi elle est passée avant d’entamer sa carrière politique, et de subir de telles humiliations par des hommes qui n’étaient pas passés par le quart de ce qu’elle avait vécu dans les camps. Sa carrière politique et son passé résonnaient de manière plus forte en moi, surtout après la conférence à laquelle j’avais assisté.

Ces portraits de résilience sont le fruit de ma détermination à faire changer les choses. Je ne veux pas d’une liberté à géométrie variable qui s’arrête dans la rue, dans les transports, au travail ou dans le champ politique. Je veux vivre dans un pays où être une femme n’est pas un handicap au quotidien, et dont la liberté n’est pas dictée par des hommes qui pensent savoir ce qu’est le mieux pour nous.