septembre 25, 2022

Margot > « Splash » et savoir-être : ce n’est pas toujours vous le problème…

Je pense que parmi les nombreuses expériences désagréables que j’ai pu avoir en m’entretenant avec les humains, une a attiré mon attention. Je suis actuellement en alternance dans une banque française réputée (pour ne pas dire son nom) et avant d’être embauchée j’ai dû passer par la fameuse case que l’on redoute tous : l’entretien d’embauche. 

M’y rendant déjà complètement stressée à l’idée de perdre mes moyens ou de répondre à côté des questions, j’arrive au lieu indiqué et je suis accueillie par une femme très gentille (celle qui va être plus tard ma cheffe), qui m’invite à la suivre afin de réaliser l’entretien dans une salle avec projecteur et caméra car la RH allait y être connectée via skype. 

Je m’assois, je suis vêtue de noir, paire d’escarpins noirs également. Jusque là tout va bien. 

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Je raconte plus ou moins ma vie en essayant de répondre au mieux aux questions de la RH, qui semblait intéressée par mon expérience professionnelle passée. Jusqu’au moment où, la RH, sort de nul part, la phrase qui va faire basculer l’intégralité de l’entretien : « Mais vous êtes chauve !! Mais pourquoi ? ». Effectivement, je m’étais rasée la tête (pour la deuxième fois de ma vie), 2 semaines avant l’entretien. Consternée par la question, je marque un arrêt avant de répondre, ainsi elle surenchérit avant même que je puisse prendre ma respiration : «  Mais comment vous faites ?! »

Comment je fais ? Comment je fais quoi ? 

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Et là, un blanc de 2 secondes peut-être, mais qui m’a paru être une éternité.  J’avais 1000 pensées à la seconde, ne sachant absolument pas quoi répondre, je cherchais une porte de sortie à tout prix, car je sentais que l’entretien prenait une tournure qui ne me convenait absolument pas. 

Faisant front, je répondis alors de but en blanc : « Oui, je me suis rasée la tête pour des raisons de santé ». 

La RH s’enfonça alors profondément dans son siège, la femme qui nous accompagnait aussi. C’est à ce moment là, que j’ai senti que les deux femmes étaient mal à l’aise. Oui, la RH avait dépassé les limites du politiquement correct. La fin de l’entretien était ponctuée de « oui » et « non » de ma part. Je n’avais plus envie de parler ou faire le moindre effort, la seule chose à laquelle je pensais c’était « Pourquoi là ? Pourquoi cette question maintenant? ». Why god why ? !

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Le problème ne résidait pas tant dans la question en elle-même mais dans sa façon d’être posée et puis dans le contexte : il n’y avait strictement aucun rapport entre mon futur poste d’analyste client et ma coupe de cheveux. Comment des personnes ayant les codes professionnels peuvent t-elles déraper à ce point là ? C’est un abîme auquel je ne peux aujourd’hui toujours pas répondre. Et c’est nous la génération qui n’avons pas les codes ? Comment intégrer toute la culture des organisations quand on est confronté à un tel manque de savoir être. 

Le malaise que cela à créer en moi a été énorme, j’ai commencé à me dire que peu importe ce que je pouvais raconter après, cet épisode avait déconcentré mes interlocutrices donc il n’y avait plus aucun intérêt. Le résultat était presque accessoire. Mes compétences n’étaient plus à l’ordre du jour, la seule chose importante à leurs yeux étaient de savoir comment est-ce que je faisais au quotidien pour être une femme sans cheveux. Oh gosh !

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Bon je vous rassure (voire vous spoile), on survit très bien (si, si même en hiver).

Pour moi être une femme et être chauve n’a pas d’importance, je n’ai pas vécu mon rasage de crâne comme un traumatisme. Mais qu’en est-il d’une personne qui aurait très mal vécu cet acte et générer des crises d’angoisse ? 

On ne se connaissait pas ces deux personnes et moi et pourtant elles se sont permises une intrusion dans ma vie personnelle, d’une façon extrêmement indélicate. Tout le monde n’aurait pas réagit comme je l’ai fait : répondre de but en blanc sans chercher à déminer la situation. Les RH valorisent la transparence et l’authenticité : je leur en ai donné plus que ce qu’elles n’en voulaient. 

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Il est amusant de voir que des professionnel.le.s qui passent leur temps à expliquer les codes à suivre en entreprise aient omises la justesse d’un comportement simple avec une jeune confrère. 

Venue de nulle part, la RH a subi une pulsion, un questionnement soudain qu’elle n’a pu réfréné. Mon jeune âge lui a peut être servi de caution de se libérer de ses interdits normatifs. Et elle a enfreint les règles basiques de la bienséance et du respect de la vie privée. Same player shoot again. 

Je suis ressortie de ce moment très en colère, sans savoir pourquoi. En rentrant dans le métro, je me suis posée et j’ai commencé à comprendre : je vois ce genre d’acte tout le temps, partout. Des gros « splash », sans respect ni délicatesse. Peu de filtre de respect, on ne parle plus on aboie. On se bouscule, on se marche littéralement dessus sans jamais s’excuser. L’insoutenable lourdeur de nos échanges a dissous notre légèreté de l’être en communauté. 

Photo : Image by Victoria_rt from Pixabay