Je voulais avoir mon permis.
À ce moment-là, je suis en terminale, je viens tout juste d’avoir 18 ans et on venait tout juste de m’offrir un stage de pilotage (étant fan de voiture). Mais pour faire ce stage, il faut avoir le permis. À partir du mois d’avril, je prends mon courage à 2 mains et je me lance : je m’inscris dans une auto-école. J’arrive à passer mon code, tout va bien pour l’instant, je suis confiante sur la suite : je me dis que je peux l’avoir en 20h tout comme mon frère. Je choisis donc le forfait 20h, toute confiante car j’ai réussi jusqu’à maintenant, donc pourquoi pas aussi pour le permis?
Je commençais mes 1ères heures de conduite (Mai 2022) en étant très stressée. Au fur et à mesure des heures, j’ai appris les bases, les manœuvres à effectuer et cetera. Après avoir fini mes 20h de conduite, j’ai décidé de m’inscrire à l’examen du permis.
Lors du jour J, je suis à la limite de l’angoisse, n’ayant pas dormi et n’étant pas confiante. J’y suis tout de même allé en espérant avoir de la chance. Mon examen s’étant mal passé, je le rate. Une 1ère fois, je tombe de haut. Je n’arrivais pas à y croire sur le moment et encore moins à accepter ce qu’il se passait. Je remettais alors la faute sur l’inspectrice, les moniteurs, mais je ne me remets pas en cause. J’ai décidé un peu plus tard de reprendre des heures et de le repasser car j’étais encore dans la motivation de conduire, malgré ce 1ère échec très compliqué, et l’arrivée proche du baccalauréat. J’ai repris quelques heures puis j’ai choisi une date d’examen : cette fois-ci, j’avais absolument tout pour l’avoir ! Mon moniteur me l’avait dit, je l’avais constaté par moi-même qu’en réalité, il me fallait quelques heures de plus. Cette fois-ci, au moment de l’examen, j’étais stressé mais j’avais une lueur d’espoir. J’ai commencé mon parcours, confiante car je le connaissais bien et le drame une fois de plus : la fatigue l’a emporté sur mon attention et j’ai fait une erreur éliminatoire.
Sur le moment, j’étais toujours dans une phase de déni, et je continuais de penser que cela était rattrapable. Lorsque le verdict est tombé, c’était comme une épée de Damoclès qui était tombée sur ma tête : je l’ai raté pour la 2ème fois, et c’était la fois de trop pour moi. Je m’effondre intérieurement. J’ai pleuré de longues journées, en remuant des pensées rabaissantes et méchante envers moi-même : j’étais une incapable.
“Si je n’ai pas eu mon permis, je n’aurai pas mon bac” voilà ce que je me disais. Il faut savoir que le sujet du permis depuis mon 2ème échec a été tabou dans ma famille, je ne voulais pas en parler un seul instant, ni même m’exprimer sur quoi que ce soit. Mon estime de moi n’avait jamais été aussi basse. J’avais également honte de mon échec, donc peu de personnes savaient la vérité. Je mentais à chaque occasion qui s’offrait à moi. J’étais inconsolable sur ce sujet et toujours incapable de faire face à la réalité. Je n’ai pas repris d’heures de conduite, car l’idée même de penser au permis me donnait envie de pleurer.
J’ai donc essayé d’oublier tout cela par tous les moyens, mais tout me rappelait mon échec : voir des gens conduire dans leur voiture, entendre des camarades avoir obtenu le permis, et puis la fameuse question “ou tu en es avec le permis ?”. Je ne passais même plus dans la rue où était située mon auto-école. Tout cela a duré 2 ans. Pendant ces 2 ans, je n’avais quasiment pas touché une pédale de voiture ou un volant.
Après avoir pris beaucoup de recul, je me suis rendu compte de beaucoup de choses. La première, c’est qu’en terminale (surtout en fin d’année) je n’étais pas du tout prête à passer le permis. J’avais appris l’été de ma terminale que je sortais à peine d’une dépression, dont je n’étais pas au courant. Je ne me rendais pas compte de mon mal-être et de la détresse de mon corps et de mon esprit. Il faut ajouter que j’étais dans un état de fatigue constant (qui a joué sa part dans mes erreurs éliminatoires) du fait de mon anémie, que j’ai également découvert plus tard. La seconde chose, c’est que j’étais trop exigeante envers moi-même, et que je le manifestais avec beaucoup de culpabilité. Je me forçais à réussir car j’avais le stage de pilotage, car mes parents avaient mis une certaine somme d’argent, car je devais prouver que je pouvais réussir. De plus, je voyais encore l’échec comme une honte.
De ce fait, j’ai commencé à effectuer un énorme travail psychologique sur moi-même. Ce n’est pas le permis qui en a été l’instigateur mais il y a largement contribué. J’ai travaillé (et je continue) à travailler sur l’estime que j’ai envers moi-même. J’ai également commencé petit à petit à changer la façon dont je me traitais, et j’essaye au quotidien d’être plus indulgente. Je recommence petit à petit à envisager la possibilité de le repasser, ou même de rater. Il faut ajouter que je suis également en capacité de pouvoir me payer le permis, et donc de ne plus dépendre de mes parents (ce qui est une charge mentale en moins pour moi). Ce travail est toujours en cours, la peur est toujours là, mais elle est abordée différemment.
Je change également la façon dont je réfléchis, afin de ne plus basculer vers le négatif ou vers la fatalité.
J’ai repris rendez-vous avec ma psychologue à ce sujet, afin de pouvoir en discuter et de comprendre comment agir face à ces situations d’échec et d’acceptation à l’avenir.
J’en ai également parlé avec certaines personnes de mon entourage, qui m’ont beaucoup rassuré à ce sujet.
Suite à tout cela, et après de nombreuses heures de réflexions, j’ai décidé de prendre mon courage à 2 mains et de retourner à l’auto-école pour essayer de repasser mon examen.
Je pense être prête si je le rate une 3ème fois, dans la mesure où je ne serai plus dans le déni, et que je me laisserai une chance, cette fois-ci plus tard, lorsque je n’aurai aucune contrainte qui pourrait m’empêcher de m’y concentrer pleinement. Je sais que j’ai largement les capacités de l’avoir, seul mon manque de confiance m’empêche de le passer et de l’obtenir sereinement.