« Il n’y a pas de réussite facile ni d’échecs définitifs. Le succès modifie les gens, tandis que l’échec révèle qui ils sont vraiment. » Je ne vais pas parler de madeleine, mais c’est bien le grand Marcel Proust qui a écrit cette phrase. Et que je me suis appropriée…
En termes de diplôme, je n’avais jamais connu d’échec à ce jour jusqu’à ce moment. Ce premier moment a marqué ma vie, arrivé soudainement, un sentiment inexplicable de part le fait que ce fut la première fois.
Depuis ma plus jeune enfance je passais les examens avec réussite, étape par étape, comme tout jeune étudiant. Maternelle, primaire, le collège avec les premiers examens, le lycée, la fac… TOUT me réussissait.
Du point de vue personnel également, je m’épanouissais dans tout ce que je faisais, notamment dans le sport. Capitaine d’une équipe et champion de la ligue avec : ce moment fut l’un des plus marquants de ma jeunesse. A ce moment précis, je ne pensais pas à l’échec… et surtout à l’effet que cela pourrait avoir sur ma personne.
L’échec est un sentiment inexplicable (et non partageable) lorsque l’on ne l’a pas vécu. Il isole. Terriblement. C’est le sentiment d’être dans sa tristesse, seul au monde, avec un réconfort que l’on n’a pas réellement envie d’entendre. Des phrases telles que « ce n’est pas grave », « tu recommenceras la prochaine fois »… Tout ce bruit désagréable et ambivalent : partant d’une bonne intention mais rappelant terriblement l’échec… et éloignant peu à peu des autres…
L’échec est un phénomène soudain. Il sidère et parfois peut engendrer chez certains la peur panique de l’échec. Personnellement, je n’étais pas animé par cette peur. Ce n’était pas une question d’arrogance mais de confiance en moi (la frontière peut être mince, je sais), que je m’étais construit au fil des années.
Pour moi, il n’y a pas de degré d’échec. Chacun le met à son niveau par rapport à ses objectifs et attente personnelle. Finir deuxième lors d’une compétition, échouer lors du Baccalauréat ou ne pas trouver d’emploi peuvent être des échecs majeurs pour certains et être insignifiant pour d’autre.
Mon échec brutal et soudain, ce fut lors du passage de ce précieux sésame qu’est le permis de conduire.
Une expérience qui paraissait anodine, commune à la majeure partie de la société qui commençait pour moi de la meilleure des manières. Passage et obtention du code de la route du premier essai avec le meilleur score possible. Tranquille. Première heure de conduite relativement à l’aise, moniteur élogieux à mon égard. Normal. Tout semblait se passer pour le mieux jusqu’au jour de l’examen tant attendu.
Coup de poing dans l’estomac. Violent. Définitif comme un KO au 3e round.
Ce n’est pas tant l’échec en soi, qui fut un traumatisme. Mais le fait que ce fut mon premier examen raté, composé d’un seul jury. Une seule personne décidait de vie ou de mort. Le pouce levé ou le pouce baissé. Sans retour en arrière. Cela a créé en moi un sentiment d’impuissance à l’égard de mes futures échéances.
Peu à peu, ma confiance diminuait de jour en jour pour atteindre le point le plus bas. Chaque examen composé d’un jury unique donnait ce même sentiment diffus, cette même « boule au ventre », né du constat que la personne en face de soi était l’unique juge et maitre suprême de la décision tant attendue.
Cette anxiété me poursuivait ailleurs. Contagieuse, elle se faisait ressentir notamment lors des entretiens d’embauche, pour des alternances par exemple. Toujours cette même peur de se dire que la personne chargée du recrutement a le choix de valider ou non une personne en fonction des critères qu’elle-même se fixe sans même confronter ses idées à d’autres personnes. C’était dans son pouvoir. Ce sentiment posait son ombre sur mon épaule à chaque entretien. Il y a des trauma diffus mais tenace…
Pour pallier à mon manque de confiance qui gagnait, j’ai alors décidé de réagir. Mon issue : reprendre ce qui avait permis le plus d’éprouver ma détermination auparavant, le sport. Je m’en étais éloigné comme un nageur qui s’éloigne sans faire attention de la rive. L’envie de reprendre le sport est arrivée comme un réflexe de survie, et m’a permis de me reprendre en main .
Cette reprise a été comme un grand bol d’air. Piquant et immédiat. Très vite, en pratiquant, j’ai pu retrouver l’humeur d’antan et la confiance perdue. Cela m’a reconnecté avec le moi que je pensais perdre de vue pour toujours…. J’ai surtout dépasser ces démons dangereux qui peuvent faire leur lit chez chacun d’entre nous. Pour mieux nous éloigner de nous… et nous tuer à petit feu. Je n’en reste pas moins lucide… Je sais qu’ils peuvent revenir. Une part d’entre eux reste ancrée en moi. Je reste vigilant, ils peuvent revenir….